mercredi 10 août 2022

Maid in Japan - 4 Les kagos

 Le lendemain, quand je me réveille, certaines filles sont déjà debout... On fait la file pour aller sur le seau. Je repense à la soirée d'hier et surtout à la Voix. Je suis persuadée qu'ils nous ont greffé une minuscule oreillette. Ils arrivent aussi à agir sur le nerf sciatique et peut-être sur autre chose.
On parle un peu entre nous, en évitant certains sujets. Les jeunes arrivent avec des casseroles. On se met toutes à genoux et on pose le front sur le sol. Faire  plus que ça, il faudrait s'enfouir dans la terre !!
Dans les casseroles, il y a du riz. Ils déversent aussi des fruits d'un sac de jute : mandarines, bananes et pommes. Un des jeunes a un paquet de vêtements dans les bras, il le jette par terre. La fille nous dit : 
— Après mangé, habillé.
Ils s'en vont... On mange, puis on boit de l'eau qu'on remonte du puits.... Les jeunes nourrissent les porcs et il y a des graines par terre pour les poules. 
La fille nous montre du doigt le paquet de vêtements. On en prend chacun un. Ce sont des habits réduits à leur plus simple expression : des tuniques grises consistant en un simple rectangle de tissus avec un trou pour la tête et qui arrivent en haut des cuisses. Il y a aussi un paquet de longues lanières de cuir. Une des filles l'enroule autour de sa taille, en faisant deux tours. De cette façon, le vêtement ne vole plus autour de nous. Ils ont déjà été portés et ils sentent la sueur. Même avec la ceinture, il y a si peu de tissus que les côtés de nos corps ne sont pas couverts. La fille vient vers nous et nous fait signe de la suivre.
On va dans une pièce de la ferme qui ressemble vaguement à une salle de classe. Il y a deux grandes tables et des chaises. La fille nous montre le sol en disant :
— Quand professeur entre, saluez.
On attend quelques minutes et on voit arriver un moine ! Il doit avoir 50 ans, il porte un vêtement orange et sa tête est rasée. On refait toutes le coup du front sur le sol et des fesses en l'air. Il nous dit en anglais :
— Relevez-vous et asseyez-vous.
On s'assied à six par table. Il y a des feuilles de papier, un porte-plume et de l'encre. Le moine a un long et mince bambou en main... Aïe ! Il commence par nous dire des mots simples qu'on doit toutes répéter : bonjour, merci (celui-là, on le connaît), pardon, je ne comprends pas, un balai, du savon, un torchon. Des mots utiles pour une servante... Il écrit ces mots sur un grand tableau noir et on doit les dessiner sur le papier qu'on a reçu. Je dis "dessiner", car les idéogrammes japonais ou chinois ressemblent plus à des dessins qu'à des lettres. De temps en temps, une fille reçoit un petit coup de bambou dans le dos. Il ne cherche pas vraiment à punir, mais à ce qu'on reste attentives.
En fait, je retiens facilement, les autres filles aussi. Je ne sais pas ce qu'ils ont trafiqué dans notre cerveau pour qu'on mémorise tout cela aussi facilement... ou alors c'est la peur du fouet qui est accroché à un mur ! Après deux heures de cours, une fille lève la main. Il lui dit :
— Parle.
— Je dois faire pipi, Monsieur.
Il répond :
— Alors tu dis : Oshikko shinakya, Sensei.
Elle répète la phrase. On est plusieurs à lever la main et à dire :
— Oshikko shinakya, Sensei.
— Allez-y toutes, mais pas plus de cinq minutes.
Ouf ! On pisse toutes dans la cour de la ferme. 



  
La chef nous dit :
— J'ai l'impression de retenir les mots très facilement.
Plusieurs filles répondent "moi aussi". On n'en dit pas plus, par peur de la Voix, mais on pense toutes la même chose. Après avoir fait « oshiko », le cours reprend. Deux heures plus tard, on peut aller boire, puis on a encore deux heures de cours. À 14 h, il nous dit :
— C'est fini pour aujourd'hui... répétez les mots et essayez de faire des phrases. Allez avertir vos maîtres que le cours est terminé.
J'entends la Voix qui me dit "Saluez". On se met toutes à genoux et on salue. C'est dingue cette Voix qui nous parle. Le moine ajoute :
— Laissez vos vêtements ici. Vous les remettrez demain.
On l'enlève, puis, on va dans la cour. La chef va s'incliner devant un des jeunes et lui dit en japonais. :
— Manger, s'il vous plaît.
Ce sont des mots qu'on a appris. Il est surpris et répond en japonais :
— Venez.
Ça, on ne l'a pas appris, mais c’est facile à deviner. On va à la cuisine. Il nous désigne des casseroles et nous montre la cour. OK, on doit aller manger dehors.
On prend les casseroles et on va dans notre salle à manger, la grange. Le repas est copieux et pas trop mauvais... Il y a même des restes de poissons. Leurs restes, sans doute... et puis du riz, des haricots, des pommes, des bananes et des mandarines comme hier soir. Le tout arrosé de l'eau du puits.
On a à peine fini que la fille qui parle un peu anglais arrive... J'ai entendu qu'elle s'appelait Keiko. On est presque intimes, elle et moi, puisque je connais son odeur et son goût. Keiko, donc, arrive avec les deux garçons, ils portent un grand baquet en bois. Ils le mettent près du puits et Keiko le désigne en disant :
— Eau. Lavez-vous.
Alors là, c'est pas de refus, on n'est pas fraîches du tout. Elle nous donne deux morceaux de savon. On remplit le baquet avec le seau, ensuite on se lave à trois. On se frotte le dos l'une l'autre. Keiko montre du doigt nos cheveux et nos chattes en disant :
— Tout.
Oui, oui, d'accord. Dès que des filles sont lavées, elles sortent du baquet et on leur verse un seau d'eau froide sur la tête pour les rincer. C’est très froid, mais on est toutes contentes de se laver. Quand on est propres, on doit s'habiller. Enfin, c'est une façon de parler, on met des sandales et les chapeaux coniques en paille. On se ressemble plus que jamais. Keiko nous fait signe de la suivre. On va dans l'écurie. Les jeunes sont là : les deux autres filles et les deux garçons. Ils nous montrent de curieux sièges qui se composent d'une partie pour s'asseoir, entre deux longs et très solides bambous. La chef dit :
— Ce sont des chaises à porteurs.
Keiko répond :
— Oui : kagos. Vous, porter invités.
Ouch ! Ça ne doit pas être évident, surtout si ce sont des gros. On ne peut même pas se réjouir de ce qu'ils n'aient pas de fouets, car ils ont tous les cinq de minces badines en bambou. Je suppose que c'est plus facile à utiliser entre les armatures du kago...
Deux par deux, on soulève le gros bambou et on le met sur notre épaule. Il y a une épaisseur de tissus pour amortir... À vide, ce n'est pas trop lourd. On se met toutes en dessous d'un kago et on sort de la ferme. 
  
  


  
On prend le chemin qui monte vers le mur. Ce sont tous, hélas, des maniaques de la vitesse. On reçoit chacune des coups de bambou sur les fesses, les cuisses et les mollets. Ils nous disent :
— Motto hayaku !
Keiko traduit :
— PLUS VITE !
Oh ! On va l'entendre, ça... On finit par courir sur le sentier qui monte légèrement... Mais même en courant, on reçoit encore des coups de bambou ! On arrive enfin devant la porte qui donne vers l'extérieur. On est essoufflée et en sueur... J'ai envie de me plaindre à la Voix, mais je n'ose pas... On attend... Les jeunes parlent entre eux. Ils ne s'occupent pas plus de nous que si on était des animaux et d’ailleurs, c'est ce qu'on est : des bêtes de trait. On reste sous nos kagos. Je dois reconnaître que les jeunes sont des experts dans l'art de manier la badine de bambou : on a toutes de nombreuses marques rouges, mais aucune de nous n'est blessée et les marques ne sont même pas "boursouflées". N'empêche, un coup de badine sur les mollets, ça fait vraiment mal... Il fait chaud et j'ai soif. Heureusement qu'avec notre peau brune, on ne craint pas les coups de soleil, je pense.
Enfin, des gens arrivent, ils sont nombreux... Il y a des hommes d'une cinquantaine d'années habillés de vêtements traditionnels ornés de dragons et d'autres symboles. Ils sont accompagnés de jolies femmes beaucoup plus jeunes. Il y a deux Occidentales et des geishas, des vraies. Elles sont vêtues de très beaux kimonos. Ils ne nous regardent pas, à part une jolie rousse qui nous regarde en souriant.
À ce moment, la Voix me dit :
— Vous ne pouvez pas regarder vos Maîtres, baissez les yeux !
Je les baisse aussitôt, les autres aussi sans doute. Une femme qui a une voix de gamine haut perchée demande :
— Alors, c'est ça les servantes malaises ?
Je suis sûre que c'est la rousse qui nous regardait. Un homme lui répond :
— Oui, elles sont arrivées, il y a deux jours...
— Je voudrais les voir l'une près de l'autre.
L'homme nous dit :
— Toutes sur un rang devant la Mademoiselle.
On se prend une série de coups de badines et quelques secondes plus tard, nous sommes rangées devant la fille. Cette jeune rousse nous regarde avec une grimace de dégoût et d'amusement à la fois... Elle nous examine, pince un sein, donne une claque sur une hanche en disant :
— J'adore l'idée, elles sont totalement dépersonnalisées, comme des fourmis dans une fourmilière... toutes au service de la Reine.
Et la Reine, c'est elle ? On n'est plus des moules, on est des fourmis... À entendre son accent snob, je la situe aristocrate ou d'une très bonne famille anglaise. Donc elle est snob, arrogante et méprisante. Elle nous dit :
— Montrez vos dents :
On retrousse nos lèvres.
— Ah, vous avez bien fait de ne pas leur blanchir les dents...
Mais j'ai les dents blanches !
— Et pour la taille, elles sont toutes à peu près les mêmes, c’est très bien.
Un homme répond :
— Comme la taille nous pose un problème, on a demandé à nos membres de nous envoyer des filles de 1 m 67 à 1 m 69.
La rousse demande à l’une d’entre nous :
— D’où viens-tu et pourquoi es-tu ici ?
— Je viens d'Australie et j'ai fait un blog pour dénoncer le braconnage et la chasse d'animaux rares et...
La snobinarde rousse crie :
— C'est quoi ces conneries ! Je chasse depuis que j'ai 14 ans ! Dites, Monsieur Taisuke, je peux la fouetter ?
— Bien sûr...
Ayant compris, Keiko lui tend sa badine. La rousse dit à l'Australienne :
— Retourne-toi et tends tes fesses !
La fille obéit et elle reçoit immédiatement cinq méchants coups de badine en travers des fesses. Elle pousse un cri à chaque coup. Je jette un coup d'œil et je vois le sourire cruel de la rousse. Elle prend son pied, là ! Elle va mouiller sa belle robe en soie ! Voilà que je deviens aussi vulgaire que les autres, sauf notre chef !
 La rousse passe à la fille suivante. Oh non, c'est moi ! Elle me dit :
— Même question.
— Je suis française et j'étais baby-sitter à Chichibu, près de Tokyo. Le garçon dont je m'occupais m'a craché à la figure et je l'ai giflé.
Elle va me fouetter ? Non, elle me dit :
— Regarde-moi.
Je lève les yeux. La fille est jolie mais elle a l'air aussi sympa qu'une vipère à cornes. Elle se racle la gorge et me crache à la figure... Son crachat dégouline de mon front à mon nez et ma bouche... Elle me demande :
— On ne t'a pas appris la politesse, servante ? Qu'est-ce que tu dois dire quand je te fais l'honneur de te cracher dessus ?
— Merci Maîtresse.
À ce moment, l'homme qu'elle a appelé Taisuke lui dit :
— Dites-moi Mademoiselle Abigaïl, vous mesurez combien, vous ?
Elle se retourne vers lui l'air mauvais et répond :
— En quoi ça vous regarde ?
— Je vous demande simplement votre taille, répondez-moi.
— Si c'est une plaisanterie, je la trouve de très mauvais goût et je vous préviens que...
L'homme la coupe en disant :
— À vue de nez, je dirais que vous mesurez 1 m 68.
À suivre.
Un grand merci à Bruce Morgan, pour les supers dessin.

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