jeudi 9 février 2017

La flle qui voulait voir la mer - 2

 
L'homme me conduit vers l'arrière du bateau. Il y a une petite piscine. Tout autour, il y a des banquettes et une table et des chaises. Deux hommes sont assis à la table et consultent des papiers, tandis que les deux femmes sont allongées sur des chaises longues et prennent le soleil, les seins nus. C'est surprenant ! Il y a une femme d'environ 38 ans, un peu forte et une jolie fille de mon âge qui a une longue chevelure noire. Je leur dis :
— Bonjour...
C'est la femme qui répond :
— Bonjour vous êtes Mona, c'est ça ?
— Oui, Madame.
Je suis dans mes vêtements de Paris et je me mets à transpirer, debout en plein soleil.
— John va vous montrer votre cabine, pour que vous puissiez mettre votre uniforme, mais la première chose à faire quand vous entrez ou vous sortez d'une pièce où il a quelqu'un, c'est de faire une révérence. Allez y.
J'ai cherché sur le Net pour voir comment c'était une révérence. Je croise mes jambes, mes mains relevant mon jean, tête inclinée.
Elle dit :
— Ce sera mieux avec une jupe. Bon, John, montrez lui sa cabine.
— Oui, Madame.
Je me retourne, mais, il me murmure :
— Révérence.
Oh, c'est vrai. Je dis :
— Pardon Madame, je n'ai pas encore l'habitude.
Je fais la 2ème révérence de ma vie. Je sens que ce ne sera pas la dernière.
On prend des escaliers et on monte vers les ponts supérieurs. Il ouvre une porte et on entre dans une petite cabine. Il y a un hublot, heureusement, sinon, bonjour la claustrophobie. Il me dit :
— Tu partageras la cabine avec Lucia, l'autre bonne.
— Mais, c'est un lit d'une personne...
Il hausse mes épaules en disant :
— Vous n'êtes grosse ni l'une ni l'autre.
— Dites, elle n'a pas l'air facile, Madame.
— Fais ce qu'elle te dit et ça ira.
— C'est mère et fille ?
— Oui. Fais attention à la fille, c'est elle qui va s'occuper de toi et elle n'est pas commode.
Charmant ! Je veux rentrer chez moi ! Non, je n'ai plus de chez moi.
Il ajoute :
— Change-toi, puis va chez Madame. N'oublie pas la révérence.
— Oui, Monsieur.
Sur le lit il y a "mon" uniforme. Je me déshabille et je le mets. Je fais un bond d'un siècle dans le temps je passe de 2020 à 1920... Il se compose d'une robe noire avec des manches courte. L'encolure arrondie et les manches sont garnies d'un bord blanc. Il y a un tablier blanc qui se noue derrière le cou et autour de la taille. Enfin il y aune petite coiffe en dentelle à fixer dans les cheveux avec des épingles.
Les chaussures sont noires et plates.
Je sens que le bateau bouge, c'est moi qu'on attendait pour appareiller.
Quand je suis prête je refais tout le chemin en sens inverse. Ce bateau est immense. Je finis par me trouver à l'arrière. Je fais une révérence et je dois passer par la sale à manger. Ce bateau est immense. J'arrive à l'arrière. Je fais une révérence et je dis :
— Voilà je me suis changée, Madame.
— Bien, bien, ma fille. Allez à la cuisine et présentez vous à la cuisinière.
Sa fille qui est toujours à côté d'elle, lui dit :
— Je la prendrais bien pour me laver...
— C'est une excellente idée, Carole, tu sens la transpiration ! Tu devrais mettre du déodorant et te laver tous les jours.
— C'est les vacances, m'man...
Elle me regarde pas gênée du tout des réflexions de sa mère. Elle me dit :
— Viens avec moi, petite.
C'est surprenant de se faire appeler "petite" par une fille de mon âge et plus petite que moi. Et puis, elle ne sait pas faire sa toilette toute seule ?
Sa mère lui dit :
— Ne sois pas trop familière avec les domestiques, Carole.
— Mais non, M'man.
On va dans sa cabine, qui est 5 fois comme celle que je dois partager avec l'autre femme de chambre. Elle a même une salle de bains avec une douche. Elle enlève sa culotte de maillot. Je trouve, ça très gênant.
— Ouvre les robinets de douche. Tiède.
Quand l'eau coule, elle met sa main sous le jet et me dit :
— Tiède ! Ça, c'est froid.
J'augmente le chaud et ça lui convient.
— Prends un gant de toilette, du savon et lave moi.
Elle est complètement nue devant moi. Et, nue, c'est le mot qui convient, parce qu'elle est épilée. Elle n'a vraiment aucune pudeur. Je reste d'abord décontenancée. Elle me dit sèchement :
— Tu attends le dégel ?
— ... euh... je suis un peu surprise, parce que...
Elle me coupe, et en articulant bien, comme si j'étais débile, elle redit :
— Tu prends le gant de toilette, tu mets du savon et tu me laves.
— Oui, Mademoiselle.
Je la savonne entièrement... Moi, je ne voudrais jamais qu'on me fasse ça. J'ouvre la douche pour la rincer, ensuite, je dois la sécher, la coiffer, et enfin chercher un maillot dans le tiroir qu'elle me désigne.
Allez, Mona, tu serais dans un bureau avec un chef de service chiant, ce serait bien pire. Ici tu as lavé une fille, ce n'est pas un boulot tellement dérangeant. Un peu humiliant, peut être.
Ce qui est surprenant, c'est la désinvolture de cette fille. Tout à coup, elle s'assied sur la toilette et fais pipi.
Là, je deviens toute rouge. Pense aux 3000 e par moi, Mona.
J'essaie de comprendre la mentalité des patrons. S'il faut se cacher de sa femme de chambre, ça devient compliqué. Oui, mais de la à pisser devant elle!
Je suis quand même soulagée quand Carole met sa culotte, toute seule. Bravo.
Elle me dit :
— Range la salle de bains et la chambre. Quand, c'est fait va à la cuisine, on te dira ce que tu dois faire.
On avait dit femme de chambre pas bonne à tout faire. Je le pense, je ne le dis pas. Bah ! Ce n'est que ranger.
Elle n'est pas soigneuse, il y a des vêtements sales par terre, des bouteilles vides et même une assiette avec un reste de nourriture. Je viendrai chercher ça plus tard avec un plateau. Je retourne dans la salle à manger. Il y a un couple d'une cinquantaine d'années, assis dans des fauteuils, ils discutent. Je fais maladroitement, une révérence en disant :
— Bonjour Monsieur, bonjour Madame.
La femme est une grosse blonde décolorée avec beaucoup de bijoux. L'homme, un grand maigre avec une barbe noire. Elle me dit :
— Vous êtes la nouvelle bonne ?
— Oui, Madame.
— Vous vous appelez comment ?
— Mona, Madame.
— Alors, je vais vous donner une leçon de savoir vivre, Mona. D'abord vous deviez attendre qu'on ait finit de parler avant de nous adresser la parole. Lorsqu'un de nous vous regarde, vous devez faire une révérence et dire "Bonjour Monsieur, bonjour Madame, je suis Mona, la nouvelle bonne à votre service."
— Oui, Madame.
— Eh, bien allez-y ma fille, faites le!
Je fais une révérence et répète ce qu'elle a dit.
— Retenez la leçon.
— Oui, Madame. Mais si on m'a dit d'aller vite chercher quelque chose, je ne peux pas rester à attendre que vous me regardiez et...
Elle me coupe (c'est pas poli) :
— Dans ce cas, vous faites une révérence et vous continuez votre chemin sans nous parler. Mais, ce que vous venez de faire c'est "répondre" et c'est une chose que les domestiques ne doivent faire en aucuns cas. C'est compris ?
— Oui, Madame.
— C'est bien, ma fille, vous pouvez disposer.
MERDE ! Tombe à la mer, saloperie ! J'ai les joues brûlantes de honte et les larmes aux yeux. C'est de la folie ! Que suis-je venue faire dans cette galère ? Et, galère est le mot qui convient !
Bon... je respire calmement. Je cherche un peu et puis je trouve la cuisine. Assises autour d'une table, il y a une femme d'une trentaine d'années, assez jolie et bien en chair, elle lit un magazine. En face d'elle, il y a une jolie métisse qui épluche des légumes. Elle a un uniforme semblable au mien. Quand je dis jolie, je suis loin en dessous de la vérité : elle est ravissante. Elle a des grands yeux, un petit nez, une bouche trop belle... Je fais une révérence et je dis :
— Bonjour Madame, bonjour Mademoiselle, je suis Mona la nouvelle bonne, à votre service.
La métisse éclate de rire, tandis que la femme brune me dit.
— Enfin une bonne stylée, c'est pas comme toi, Lucia.
La métisse répond,
— Mais, je vous fais aussi des révérences, Madame.
— Pas aussi bien qu'elle.
La métisse se lève et vient m'embrasser. Ouf ! Pour elle, j'existe en tant que personne..
Je lui explique :
— Je n'ai pas l'habitude... et des gens dans la salle à manger m'ont engueulée...
Elle voit que j'ai les larmes aux yeux et dit :
— Tu es tombée sur Madame Gomez, c'est une emmerdeuse. ..
Ça ne plait pas à Madame Simone, qui lui dit :
— Ce n'est pas tes affaires Lucia. Tu as envie de nettoyer les ponts à la place des matelots ?
— Pardon, Madame, mais...
— Mais, rien. Tais-toi...
Oh, que j'en ai marre d'être ici. Elle se tourne vers moi. Elle me dit :
— Je suis Madame Simone, la cuisinière et cette petite malpolie (elle me désigne la métisse), c'est l'autre bonne.
— Oui Madame, c'est la première fois que je suis en service...
— On te dira ce que tu dois faire. C'est Mademoiselle Carole, la fille de Madame qui s'occupe des domestiques. Tu vas aller servir l'apéritif avec Lucia. Madame voudra te présenter aux autres.
Lucia se lève et lui dit :
— On y va, Madame Simone ?
— C'est ce que je viens de dire, non ?
— Oui, Madame Simone.
Elle vient près de moi, me pousse du coude. On fait une révérence et on sort.
Elle me dit :
— Fais pas attention, elle a ses règles et Carole lui a passé un savon. D'habitude, elle me fout la paix.
Au bord des larmes, je lui dit :
— A part vous tout le monde est vraiment désagréable.
— D'abord, tu peux me tutoyer, ensuite, les riches se croient tout permis, mais on s'en fout, ils payent en conséquence...
— Oui, mais...
Elle me coupe :
— On parlera plus tard, viens on ne peut pas traîner.

A suivre.

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