Son
sourire est inquiétant ! N'empêche, il me sort des griffes de
Crasston et Stone. J'imagine que c'est Summer qui me fait libérer.
Pour ça elle doit trouver un homme déterminé, genre un salaud
souriant, prêt à tout pour de l'argent.
Il
monte sur la moto et je monte derrière lui. On démarre et on file
dans la nuit vers la liberté. Je pense à un vieux rock "Like a
bat out of hell", je suis "comme une chauve-souris
s'échappant de l'enfer".
À
chaque cahot, la douleur dans mes fesses me rappelle que je m'échappe
vraiment de l'enfer. Heureusement, il y a une armature derrière la
place du passager et je ne dois pas me coller à lui, ce qu'il
n'apprécierait pas, je pense.
On
a quitté Vegas vers trois heures matin et on roule... Tout ceci est
organisé par Summer, sans doute, mais la seule chose qui compte
c'est que j'échappe à Stone, la tortionnaire. J'avoue que je
trouvais sa façon de faire très amusante quand elle fouettait des
esclaves. Mais maintenant, je sais ce que c'est, j'ai payé.
Je gémis sur le siège arrière... Vers cinq heures du matin, le jour se lève et je me rends compte qu'on est en plein désert. Il y a des cactus et des yuccas. Je vois un panneau "Mojave National Reserve", il s'agit de l'endroit le plus chaud des Etats-Unis. On roule. Si ça continue, on se retrouvera au Mexique...
J'ai
mal aux fesses et j'ai soif... Mon tee-shirt est mouillé de sueur.
On traverse Joshua National Park... Puis on arrive enfin dans une
ville, Salton City. Le souriant Monsieur Valdès s'arrête enfin. Il
me dit :
— Il y
a un festival alternatif... rock, manifestations artistiques... Il
faut avoir un billet, mais toi tu vas à l'entrée et tu dis que
Madame Murphy t'attend...
—
Je peux poser une question ?
Il
lève les yeux au ciel en souriant et répond :
—
Non ! Tu es une esclave.
Ça
y est, je craque, je me mets à sangloter ! Pour que ça s'arrête,
il me dit :
— La
personne qui te fait évader te dira ce qu'elle veut. Tant que tu es
avec moi, tu obéis et tu la fermes. Je devrais te punir. Suis-moi
maintenant et marche six pas derrière moi.
Grand
sourire. Je voudrais lui casser ces affreuses dents blanches !!
On
repart. Le paysage ne change pas, c'est toujours le désert avec des
rochers et des cactus. Et puis soudain, je vois la mer. Oh ! en
plein désert !! Je ne reconnais pas du tout le Pacifique... Je
n'ose pas lui demander comment c'est possible qu'il y ait la mer en
plein désert. Il trouve sans doute que je dois savoir où je suis,
car il dit :
—
C'est Salton Sea, un lac d'eau salé qui se trouve sur la faille de
San Andrea.
Ouch !
Ça fait peur. Il ajoute :
—
Va derrière ce rocher, tu apercevras les constructions du festival.
Tu dis à l'entrée que Madame Murphy t'attend.
Il
repart. Je suis seule devant une mer qui se trouve sur la faille de
San Andrea. Je fais le tour du rocher et j'aperçois des
constructions entourées de fils de fer barbelés On dirait un camp
de prisonniers. Et si je n'allais pas ? Mais aller où avec ce
collier ?
Je
fais pipi et je me dirige vers le camp. En approchant, il est un peu
plus accueillant : il y a même quelques plantes. Il est 10 h du
matin et tout est calme. Je me dirige vers un homme assis sur une
chaise : un garde. Je lui dis :
—
Bonjour, Madame Murphy m'attend.
—
Je vais la prévenir.
Il
entre dans une petite cabane. Un garde qui était à l'intérieur
sort et me dit :
—
Les filles qui ont un foulard, quand il y a 30°, soit elles ont des
suçons, soit ce sont des esclaves qui cachent leurs colliers.
—
Je suis une esclave, Monsieur.
—
C'est ce que je pensais. Voilà Madame Murphy.
Une
grande rousse bien en chair d'une quarantaine d'années arrive. Elle
me fait signe de loin. Le gardien me dit :
—
Vas-y.
Je ne sais
pas comment je dois la saluer, alors je m'incline en disant :
—
Bonjour Madame, je suis...
Elle
me coupe la parole et dit :
—
Je sais qui tu es. Suis-moi.
On
se dirige vers une construction basse. Je regarde autour de moi, il y
a une grande scène, quelques bâtiments, de très grandes tentes et
au loin un immense camping. Murphy me dit :
—
Comment doit se comporter une esclave ?
—
... Elle doit obéir, Madame.
—
Obéir ET travailler. Je ne veux pas voir une seule esclave inactive.
Tu devras travailler 17 heures par jour comme les autres. Ça vous
laisse 7 heures de sommeil, c'est bien énorme. Toutes les filles ont
travaillé, puis distrait les clients jusqu'à l'aube.
Elle
a l'air fière de faire travailler autant les esclaves. On entre dans
un bureau. Elle me dit :
—
Déshabille-toi, mais garde tes chaussures, il peut y avoir des
seringues dans le sable.
Elle
me donne un gros bracelet en ajoutant :
—
Mets ça à ta cheville. Ça me permet de voir où tu es et si tu te
déplaces.
Je
ferme le bracelet sur ma cheville, puis elle me dit à nouveau :
—
Suis-moi.
On va
derrière le bureau. Il y a de grands sacs en plastique noirs. Elle
me dit :
— Tu
mets toutes les canettes abandonnées un peu partout dans ce sac. Si
tu vois des seringues, tu les mets dans ce petit sac en jute.
Je
regarde autour de moi, il y a des canettes partout ! Oh putain !
Je lui demande :
—
Je pourrais un peu manger, s'il vous plaît, je n'ai plus...
—
Tu mangeras plus tard. Par contre, tu peux boire. Il y a des robinets
avec de l'eau potable. Ils sont indiqués par un dessin. Quand ton
sac est plein, tu le ramènes ici. Si j'ai besoin de toi, ton
bracelet sonnera et tu rappliques ici le plus vite possible. Allez,
vas-y.
— Oui
Madame.
Je
m'incline devant elle et je prends un sac. Je ne suis vêtue que de
deux bracelets et de courtes bottes. Voilà un boulot fait pour moi,
je n'ai pas à réfléchir. C'est ce que j'aurais dû faire au lieu
d'épouser ce clown. Je serais toujours une star de cinéma... J'ai
les larmes aux yeux en pensant à tout ce que j'ai perdu.
Oh !
Une seringue ! Je la prends avec précaution et la mets dans le
petit sac en jute. Environ une heure plus tard, le village s'éveille.
Des gens vont et viennent. La plupart sont nus ou déguisés. Je vois
une belle femme d'une trentaine d'années déguisée en esclave : des
anneaux aux chevilles et aux poignets, réunis par une chaîne qui a
l'air très légère, elle a aussi un collier au cou. Elle s'approche
de moi et me dit :
—
Dure, la vie d'esclave ?
—
Oui, Madame.
Elle
tourne autour de moi et ajoute :
—
Tu as reçu une bonne fessée, on dirait. Qu'est-ce que tu as
fait ?
— Je
n'ai pas obéi assez vite.
À
ce moment, une voix sort de ma cheville, ça surprend ! Plus
précisément de l'anneau que j'ai autour de la cheville. Elle dit
:
— Tu n'as pas
bougé depuis trois minutes.
Je
dis très vites à la fausse esclave :
—
Excusez-moi Madame, on ne peut pas s'arrêter.
Je
recommence à ramasser des canettes. Mon sac est bientôt plein et je
retourne au bureau. Je toque à la porte, la dingue qui veut qu'on
bouge sans arrêt me tend un nouveau sac en disant :
—
Faudra aller plus vite... si tu veux manger.
—
Oui Madame.
Je
veux manger !! Je retourne à la pêche aux canettes. Je les
ramasse à toute allure. Des gens viennent me parler, mais je leur
réponds :
—
Désolée, si je ne ramasse pas assez, je serai punie.
Je
trouve plusieurs seringues que je mets soigneusement dans le petit
sac en jute. Je vais plus vite. Quand je rapporte le sac, je suis
rouge et en sueur. Madame Murphy me dit :
—
Tu vois que tu es capable d'aller plus vite.
—
Oui Madame.
Je
pense "crève !"
—
Bon, va au réfectoire. Tu as un quart d'heure.
Elle
m'indique un long bâtiment. J'y vais en courant. D'autres esclaves
se dépêchent aussi. À l'intérieur, il y a une grande table
couverte d'assiettes en plastique. Les filles mangent debout,
puisqu'il n'y a pas de chaises. Je prends une grande assiette et une
cuiller. Je vais présenter mon assiette à une esclave qui nous sert
et je mange... Quoi ? J'en sais rien, c'est fade avec un goût de
poisson. Personne ne dit un mot. Dès qu'une fille a fini, elle va
mettre son assiette et sa cuiller dans un grand bac en plastique et
elle court vers ses corvées. C'est ce que je fais aussi jusqu'à 6
h.
Il y a de plus
en lus de monde qui circule. On me photographie et on me parle, mais
je réponds chaque fois que je dois travailler sans arrêt.
Quand je rapporte mon 12e ou 13e sac plein de canettes, en le
traînant derrière moi, elle me donne un sac en disant :
—
Mégots !
D'accord,
c'est plus léger, mais il y en a tellement que je me traîne sur le
sable à quatre pattes, plutôt que me baisser sans arrêt. Les
gentils festivaliers se marrent et font des selfies.
Une
esclave vient chasser le mégot sur mon terrain. Elle murmure :
—
Tu vas trop vite. Il faut juste que tu bouges un peu. Elle
n'intervient que si tu es immobile. Comme ça, tu vas t'épuiser...
—
Merci. Elle m'engueule et me menace chaque fois que je rapporte mon
sac.
— Elle le
fera toujours, te tracasse pas.
—
Merci. Tu restes près de moi ?
—
Oui. Va moins vite...
On
continue à chasser le mégot, mais mollement. Heureusement qu'elle
est venue me donner des conseils...
Un
groupe de rock joue sur la grande scène.
À
8 h, on mange debout et en vitesse. Et ensuite ? Il fait noir,
impossible de ramasser ces saloperies. La femme me met une tablette
miniature autour du poignet, en disant :
—
Balade-toi. Tu es à la disposition des gens. Je te déconseille de
te planquer dans un coin. Si on te choisit, les clients doivent
m'appeler à l'aide de cette tablette et me donner leur
numéro.
J'adresse
une prière muette à Dieu. Elle ressemble à ça : "Mon Dieu,
s'il vous plaît, envoyez-moi un client gentil." Je me dirige
vers la scène et là, un curé me dit :
—
Tu as l'air fatiguée, mon enfant.
À
côté de lui, il y a une religieuse ! Non, je ne délire pas,
c'est sans doute un couple déguisé. Lui m'a parlé gentiment, j'en
ai les larmes aux yeux. Je m'accroche à eux comme une patelle à son
rocher. Je lui réponds :
—
Oui, très fatiguée... mais je ferai tout ce que vous voulez.
—
Évidemment puisque tu es une esclave. Qu'est-ce que tu sais faire de
spécial ?
Et
là, j'ai une idée, je réponds :
—
Je connais des cantiques.
Un
petit flottement, puis il éclate de rire. Quand il est calmé,
l'homme me dit :
—
D'accord. Si tu chantes bien, je te loue.
Je
me souviens très bien d'un cantique, alors, nue et épuisée, je
chante :
"Swing
low, sweet chariot
Coming
for to carry me home,
Swing
low, sweet chariot,
Coming
for to carry me home.
I
looked over Jordan, and what did I see
Coming
for to carry me home?
A
band of angels coming after me,
Coming
for to carry me home."
Des
gens arrivent pour m'écouter, c'est dingue ! Le curé me demande
:
— C'est quoi,
ton numéro ?
Je
ne savais même pas que j'en avais un. Il ajoute :
—
Dis-moi le numéro qui est sur ton bracelet de cheville.
Je
dis le chiffre et il le compose sur le cadran.
À
suivre.
Un
grand merci à Bruce Morgan pour les super dessins.
Nos livres sont ici :
https://www.lamusardine.com/recherche?s=mia+michael&controller=search
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