Une amie proche avec qui je suis très... intime, vient de publier
un livre.
Je l'ai lu et j'ai beaucoup aimé. J'ai même cru me retrouver dans
un des personnages. Voici le début de son livre.
Une illusion parfaite par Christine François-Kirsch.
"Je sonnai. Quelques
secondes passèrent. J'entendis le petit bruit reconnaissable de l'ouverture de
la porte. Je montai la quinzaine de marches. Je me présentai à l'accueil.
Je patientai un moment,
un petit quart d'heure, en feuilletant un vieux magazine de voyage, avant
d'être reçue pour ce rendez-vous sans réelle importance. J'y allais seule,
alors qu'habituellement, mon mari et ma fille m'accompagnaient. C'était normal
que je me rende chez la pédiatre de ma fille avec ma fille. Là, je n'avais que
quelques questions à poser, simplement. J'étais plutôt en forme, bronzée,
lumineuse. Voilà ce que j'entendrais plus tard d'ailleurs. Lumineuse. Je
relevai les yeux au son des talons, un pas rapide, nerveux, sec. Je vis un
large sourire, un regard profond, véritablement intense. Une poignée de main
ferme, qui cependant m'enroba. Cette chevelure brune, ondulée sur les pointes,
dégageait un parfum inconnu, surprenant. Nouveau. Saisissant.
Quelque chose clochait, quelque chose d'inhabituel.
— Venez !
Je suivis donc la pédiatre de ma fille dans ce bureau assez sombre, austère. Je jetai un coup d’œil sur la croix du Christ fixée au-dessus de la cheminée et j'observai la très sérieuse pédiatre s'asseoir face à moi, dans son large fauteuil de patron. Je ne voyais ni table d'auscultation, ni jeu ni jouet. Elle me regardait. Je la fixais. Aucune parole ne fut prononcée. Elle se leva, toujours silencieuse. Passa derrière moi. Ferma à clé la porte principale du bureau. Les talons claquaient moins, elle glissait presque sur le sol parqueté.. Je sentais très précisément son parfum, que je ne parvenais pas à identifier. Sucré, presque vanillé. Sûrement un parfum français.
Elle alla également fermer une deuxième porte, celle qui menait aux coulisses du cabinet. Puis, elle revint s'asseoir sur son fauteuil en cuir noir. Posa ses bras sur les accoudoirs. Et bascula lentement sa tête en arrière, comme alanguie.
Cette scène dura un long moment, comme un semblant d'éternité. Son attitude sensuelle, ses yeux fermés, ses longs cheveux reposant sur le haut du fauteuil, sa respiration calme malgré la poitrine que je voyais se soulever : tout n'était qu'invitation retenue. Tout n'était qu'appel à l'étreinte interdite.
Enfin, j'osai me lever ; je contournai le large bureau, moi aussi avec lenteur. Sans le moindre mot. Je scrutai à nouveau la croix au-dessus de la cheminée. Je fermai un instant les yeux. Calmai ma respiration. J'étais moins grande qu'elle. Ses mains paraissaient presque petites comparées à sa taille. Pourtant, malgré les10 centimètres
qu'elle avait de plus que moi, je la dominais. C'est moi qui menais la danse à
présent. Je saisis les deux accoudoirs pour tourner le fauteuil vers moi et je
lui dis d'une voix autoritaire :
— Ouvrez les yeux, docteur, regardez-moi.
Nous nous fixâmes, plusieurs secondes. On dit que le silence après Mozart, c'est encore du Mozart. Là, le silence avant l'amour, c'était déjà de l'amour.
Nos respirations se faisaient écho. J'hésitai l'espace d'un instant, intimidée par l'incongruité du moment. Je ne sais pas vraiment. Mon sexe battait, mon cœur me faisait presque mal, je recevais dans la poitrine et dans le ventre comme des coups de poing. Elle, ne bougeait pas. Ne parlait pas. Mais continuait de tenir mon regard, comme une provocation.
« Vas-y, décide-toi, tu attends quoi ? » Voilà ce qu’elle semblait vouloir me gueuler.
Un dernier instant d'hésitation et enfin j'approchai mes lèvres des siennes, et l'embrassai au coin de cette bouche ronde et nerveuse."
Quelque chose clochait, quelque chose d'inhabituel.
— Venez !
Je suivis donc la pédiatre de ma fille dans ce bureau assez sombre, austère. Je jetai un coup d’œil sur la croix du Christ fixée au-dessus de la cheminée et j'observai la très sérieuse pédiatre s'asseoir face à moi, dans son large fauteuil de patron. Je ne voyais ni table d'auscultation, ni jeu ni jouet. Elle me regardait. Je la fixais. Aucune parole ne fut prononcée. Elle se leva, toujours silencieuse. Passa derrière moi. Ferma à clé la porte principale du bureau. Les talons claquaient moins, elle glissait presque sur le sol parqueté.. Je sentais très précisément son parfum, que je ne parvenais pas à identifier. Sucré, presque vanillé. Sûrement un parfum français.
Elle alla également fermer une deuxième porte, celle qui menait aux coulisses du cabinet. Puis, elle revint s'asseoir sur son fauteuil en cuir noir. Posa ses bras sur les accoudoirs. Et bascula lentement sa tête en arrière, comme alanguie.
Cette scène dura un long moment, comme un semblant d'éternité. Son attitude sensuelle, ses yeux fermés, ses longs cheveux reposant sur le haut du fauteuil, sa respiration calme malgré la poitrine que je voyais se soulever : tout n'était qu'invitation retenue. Tout n'était qu'appel à l'étreinte interdite.
Enfin, j'osai me lever ; je contournai le large bureau, moi aussi avec lenteur. Sans le moindre mot. Je scrutai à nouveau la croix au-dessus de la cheminée. Je fermai un instant les yeux. Calmai ma respiration. J'étais moins grande qu'elle. Ses mains paraissaient presque petites comparées à sa taille. Pourtant, malgré les
— Ouvrez les yeux, docteur, regardez-moi.
Nous nous fixâmes, plusieurs secondes. On dit que le silence après Mozart, c'est encore du Mozart. Là, le silence avant l'amour, c'était déjà de l'amour.
Nos respirations se faisaient écho. J'hésitai l'espace d'un instant, intimidée par l'incongruité du moment. Je ne sais pas vraiment. Mon sexe battait, mon cœur me faisait presque mal, je recevais dans la poitrine et dans le ventre comme des coups de poing. Elle, ne bougeait pas. Ne parlait pas. Mais continuait de tenir mon regard, comme une provocation.
« Vas-y, décide-toi, tu attends quoi ? » Voilà ce qu’elle semblait vouloir me gueuler.
Un dernier instant d'hésitation et enfin j'approchai mes lèvres des siennes, et l'embrassai au coin de cette bouche ronde et nerveuse."
"Les rues de Monaco étaient agréables en cette fin de soirée. Il
faisait plutôt doux, les terrasses étaient bondées et on ne savait pas où
donner de la tête tant il y avait dans cette ville de bars chics, luxueux, où
se croisaient des bourgeoises et des putes de luxe, qui parfois étaient les mêmes
d'ailleurs.
Je n'aimais pas particulièrement cette ville, mais ce soir-là je la trouvais reposante. Tout était propre, assez chiant finalement, les codes archi-connus et plutôt vulgaires. Convenus. Impossible de compter les Porsche, les Maserati, les Rolls. Tape-à-l'oeil, parvenu, Monaco était un endroit hors du monde. Peu de bistros, peu de librairies. Peu importe après tout, nous n'étions pas venus pour nous cultiver. Nous choisîmes finalement un bar. Des blondes, grandes, effilées, maigres en fait, la peau blanche, le regard triste. Encore des putes, sans doute Russes. Ou des pays de l'Est. Il y en avait partout. Sur le port, dans les bars d'hôtels. Là où il y avait de l'argent, et pas seulement propres, il y avait ces longues blondes ! Nous commandâmes deux whiskys sans glace. Il fallait au moins cet alcool fort pour revenir sur notre première fois.
Nous nous regardâmes, sans savoir qui devait commencer. Ni par quoi. Moi, je sirotais mon whisky, comme à mon habitude. Lui, plus gourmand, buvait plus vite.
— Eh, attends-moi ou je ne vais pas pouvoir te suivre !
Davide rit, et me lança :
— Et pourtant, tout à l'heure, je ne sais pas qui menait le bal, mais ce n'était pas moi en tous les cas !
Je n'aimais pas particulièrement cette ville, mais ce soir-là je la trouvais reposante. Tout était propre, assez chiant finalement, les codes archi-connus et plutôt vulgaires. Convenus. Impossible de compter les Porsche, les Maserati, les Rolls. Tape-à-l'oeil, parvenu, Monaco était un endroit hors du monde. Peu de bistros, peu de librairies. Peu importe après tout, nous n'étions pas venus pour nous cultiver. Nous choisîmes finalement un bar. Des blondes, grandes, effilées, maigres en fait, la peau blanche, le regard triste. Encore des putes, sans doute Russes. Ou des pays de l'Est. Il y en avait partout. Sur le port, dans les bars d'hôtels. Là où il y avait de l'argent, et pas seulement propres, il y avait ces longues blondes ! Nous commandâmes deux whiskys sans glace. Il fallait au moins cet alcool fort pour revenir sur notre première fois.
Nous nous regardâmes, sans savoir qui devait commencer. Ni par quoi. Moi, je sirotais mon whisky, comme à mon habitude. Lui, plus gourmand, buvait plus vite.
— Eh, attends-moi ou je ne vais pas pouvoir te suivre !
Davide rit, et me lança :
— Et pourtant, tout à l'heure, je ne sais pas qui menait le bal, mais ce n'était pas moi en tous les cas !
Pourquoi en faire toute une histoire puisque j’avais joui de cette
rencontre, aussi bien cérébralement que physiquement. Mieux, je me sentais
puissante, comme invincible. Dans ces moments-là, je ressentais dans mon corps
ce qu'était le bonheur. Cela m'était déjà arrivé. Je me souvenais de cet
instant fugace, cet instant où j'avais ressenti cette sensation si forte que je
l'associais à ce que j'imaginais être un shoot.
C'était dix ans auparavant et je venais de rencontrer Davide.
Dès le premier soir, j’avais su qu'il était l'homme de ma vie. Je le sus d'instinct.
Nous nous étions simplement croisés lors d'un spectacle, dans un café- théâtre pas loin de l'Arno. Une copine m'y avait traînée. Je m'en souviens parfaitement. C'était un de ces soirs où j'avais envie de rester chez moi, sous la couette, sur la couette, peu importe. Mais avec ma couette. Elle m'avait tannée, allez, viens, j'ai deux places, ça a l'air marrant et puis ça m'évitera de ressasser l'histoire avec l'autre bras cassé. Allez viens.
Elle avait tellement insisté, m'avait eue par les sentiments. Elle venait de se séparer de son copain, moi j'étais seule alors, ou plutôt très accompagnée mais rien de régulier et quotidien. Je m'en foutais, j'avais 25 ans. Le temps.
La rencontre avec Davide avait eu lieu devant la billetterie. Assez simplement. Nous nous étions regardés. Il avait souri. Moi aussi. M'avait dit bonsoir. J'avais répondu bonsoir. Nous nous étions encore souri.
Banal.
C'était dix ans auparavant et je venais de rencontrer Davide.
Dès le premier soir, j’avais su qu'il était l'homme de ma vie. Je le sus d'instinct.
Nous nous étions simplement croisés lors d'un spectacle, dans un café- théâtre pas loin de l'Arno. Une copine m'y avait traînée. Je m'en souviens parfaitement. C'était un de ces soirs où j'avais envie de rester chez moi, sous la couette, sur la couette, peu importe. Mais avec ma couette. Elle m'avait tannée, allez, viens, j'ai deux places, ça a l'air marrant et puis ça m'évitera de ressasser l'histoire avec l'autre bras cassé. Allez viens.
Elle avait tellement insisté, m'avait eue par les sentiments. Elle venait de se séparer de son copain, moi j'étais seule alors, ou plutôt très accompagnée mais rien de régulier et quotidien. Je m'en foutais, j'avais 25 ans. Le temps.
La rencontre avec Davide avait eu lieu devant la billetterie. Assez simplement. Nous nous étions regardés. Il avait souri. Moi aussi. M'avait dit bonsoir. J'avais répondu bonsoir. Nous nous étions encore souri.
Banal.
Après le spectacle, il m'avait attendue,
m'avait re-souri, me demandant si j'avais aimé le spectacle, si j'aimais le
café-théâtre, et le théâtre en général. Et m'invitant à venir avec lui à une
pièce de Shakespeare qui se jouait la semaine d'après.
Ce que je refusai, n'étant pas à Florence alors. Mais je l'invitai à me retrouver pour boire un verre dans l'un des bars de la ville que je préférais, une dizaine de jours plus tard.
— On verra si vous y serez. On verra bien.
Et je tournai les talons, partant avec ma copine.
Elle, se retourna pour me dire :
— Il ne te lâche pas des yeux. T'as pêché gros !
Très calmement, je lui assénai ceci :
— Écoute, je viens de rencontrer l'homme de ma vie.
Elle éclata de rire.
— Bien sûr, en rêve ma belle ! Si tu crois que ça se passe comme ça, dans la vraie vie. Tu vas trop au cinéma !
Je la laissai parler.
Avec Davide, nous nous revîmes le jour j, à l'heure H et dans le bar que je lui avais indiqué. Notre premier moment fut agréable, naturel. C'était lui. J'étais certaine de cela. Une évidence. Une impression de le connaître depuis toujours. Il était à la fois émouvant, subtil, séduisant, drôle. Il me semblait libre, différent des autres hommes. J'avais aimé quand il m'avait saisi la main. C’était serein, convaincu, et sa peau m'électrisait. Me remplissait.
Nous décidâmes d'un premier déjeuner en terrasse, puis d'une vraie première rencontre.
Ce que je refusai, n'étant pas à Florence alors. Mais je l'invitai à me retrouver pour boire un verre dans l'un des bars de la ville que je préférais, une dizaine de jours plus tard.
— On verra si vous y serez. On verra bien.
Et je tournai les talons, partant avec ma copine.
Elle, se retourna pour me dire :
— Il ne te lâche pas des yeux. T'as pêché gros !
Très calmement, je lui assénai ceci :
— Écoute, je viens de rencontrer l'homme de ma vie.
Elle éclata de rire.
— Bien sûr, en rêve ma belle ! Si tu crois que ça se passe comme ça, dans la vraie vie. Tu vas trop au cinéma !
Je la laissai parler.
Avec Davide, nous nous revîmes le jour j, à l'heure H et dans le bar que je lui avais indiqué. Notre premier moment fut agréable, naturel. C'était lui. J'étais certaine de cela. Une évidence. Une impression de le connaître depuis toujours. Il était à la fois émouvant, subtil, séduisant, drôle. Il me semblait libre, différent des autres hommes. J'avais aimé quand il m'avait saisi la main. C’était serein, convaincu, et sa peau m'électrisait. Me remplissait.
Nous décidâmes d'un premier déjeuner en terrasse, puis d'une vraie première rencontre.
"Grande, assez fine,
très souriante, décidée. En pantalon, sur de hauts talons. Un joli collier sur
un chemisier blanc. Que ce chemisier lui allait bien. Lui donnait un air de
sévérité, d'autorité, de sagesse aussi. Le col relevé sous ses longs cheveux
finit de me faire chavirer.
Je lui tendis la main, comme à l'habitude. Mais Francesca me saisit de sa main gauche et m'attira très naturellement à elle pour m'embrasser. Un geste de vraie timide qui ose. Ça peut paraître idiot, à dire ça, mais quand sa peau entra en contact avec la mienne, je ressentis vraiment un choc électrique.
J'ignore à propos de ce premier moment si Francesca ressentit la même chose. J'avoue n'avoir jamais pensé à le lui demander.
Le déjeuner fut joyeux, débordant de confidences, d'histoires, d'anecdotes. Nous commandâmes, en nous rendant compte que nous aimions les mêmes choses. Nous prîmes un peu de vin. Francesca commença à parler. De ses problèmes de couple, dont elle ne semblait pas savoir comment se sortir. En avait-elle envie ? Pas sûr.
D'abord, j'avais eu du mal à placer un mot, trop nerveuse. Et puis, j’avais envie de l’écouter. Mon expérience des hommes me faisait tenir une attitude presque passive. La règle du jeu, avec eux, c’était de les faire parler, leur poser des questions, montrer un véritable intérêt pour leurs histoires.
Je m’apercevais avec Francesca que les femmes n’étaient pas vraiment différentes des hommes. En tous les cas, celle-là. Quelques gorgées de vin m'aidèrent, et je profitais de les sentir couler dans ma gorge pour me détendre. Je ne voulais pas que Francesca s'aperçoive de ma nervosité. Ça aurait été ridicule.
Mais elle aussi était nerveuse. Sa main trembla une première fois quand elle nous versa de l'eau.
— Pardon, je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui, finit-elle par m'avouer en me regardant fixement. Ce n'est pas mon genre
d'avoir la main qui tremble, je vous assure !
Je ris. Elle rit. Elle avait reconnu à demi-mot que ce rendez- vous prenait une tournure étonnante. Je ne le savais pas encore, mais Francesca était le genre de personne à reconnaître à demi-mots. Non pas par hypocrisie, ou par souci d'épargner les autres. C'était pour elle une forme de protection. Ne pas trop se laisser envahir par ses émotions et celles des autres. Ne pas se laisser envahir du tout. Contrôler. Pour éviter le danger.
La discussion s'engagea. J'étais curieuse d'elle, elle l'était de moi. Même si je devais bien reconnaître qu'elle était très centrée sur elle-même. Était-ce de ma faute, à force de lui poser des questions, de la relancer, de vouloir savoir beaucoup très vite ?
Et de me livrer assez peu ?
Ce premier déjeuner répondait pour elle à un besoin qu’elle analysa sérieusement par la suite. C’est ainsi que se passent les rencontres. Les coups de foudre. Bien sûr, ces moments rares traduisent une attirance sexuelle pas toujours consciente. Ils répondent à un besoin. Ils remplissent un vide. Ils alimentent un fantasme. Mais l’accroche se fait sur cette énigme.
Francesca tournait en boucle dans sa vie, tant personnelle que professionnelle. Tout était connu, codé, limité. Je l'avais senti dès notre première conversation téléphonique. Elle ne savait pas ce qu’elle voulait faire, et remplissait d’heures et d’heures de travail son temps. Entourée de tonnes de gens qui eux aussi faisaient semblant d’aller bien, d’autres qui ne cachaient pas leur mal-être, Francesca ne savait pas que l’on pouvait consacrer toute une existence à travailler le désir, à le questionner, le façonner, à se laisser envahir par de fortes émotions. Chez elle, hormis des rencontres parfois brutales avec des hommes, tout le reste était sous contrôle. Mais elle sentait, car elle était finalement très intelligente et intuitive, que quelque chose clochait dans son chemin. Que quelque chose manquait. Fataliste, parfois même déterministe, elle pensait un peu paresseusement que ça n’était pas si grave. Le vernis avait certes déjà craqué, mais elle pensait que son rafistolage était bien suffisant pour tenir le choc sur la durée.
Elle me le raconta des mois plus tard, mais sa rencontre avec moi avait provoqué une forme de basculement. Tout en douceur vu de l’extérieur, mais une véritable révolution intime. Je lui parlais de ma façon de vivre, de voir les choses, les gens, de choisir.
Alors, nous parlâmes. Pourquoi elle était devenue médecin et moi conseil en communication ; puis pourquoi je voulais évoluer vers autre chose. Notre jeunesse ; notre enfance ; nos amours, mais pas toutes me concernant, pas question de choquer, déjà et si vite, cette bourgeoise. ; notre appréhension du couple et de la vie à deux ; l’enfant, la mienne, et l’absence de lignée chez elle, un sujet vite évacué ; nos voyages, nos goûts musicaux, culinaires. Nos caractères, ce qui nous faisait rire, ce qui nous attristait. Nos années de fac, nos vieux gringues, nos bringues, les miennes actuelles, les siennes anciennes ; ce que nous avions fumé étant jeunes. Bu aussi. Notre été passé, quelques blessures, quelques souffrances physiques qui en disaient tant sur notre psychologie respective. Nos opinions politiques, notre premier vote, notre dernier vote, le vote prochain. Le sport, que moi j’avais pratiqué avec assiduité et pratiquais toujours mais moins régulièrement tandis qu'elle, se contentait d'un coach sportif à la maison, pratique dont elle avait un peu honte...
Nous avions beaucoup ri, c’était tendre, pour laisser à bonne distance la tension charnelle qui était née entre nous. Nous nous étions regardées abondamment, presque contemplées. Sans essayer d'impressionner l'autre, nous avions instinctivement confié déjà des éléments intimes de notre personnalité. Nous avions laissé peu de place aux silences. Pressées, très pressées. Comme si une avidité nous avait prises par surprise.
Nous étions incroyablement différentes, sur notre passé, nos aspirations, notre façon de voir la vie et de la vivre. Et pourtant, nous nous accordions comme par miracle.
Il nous avait fallu parler et parler encore. Nous n’arrivions pas à mettre fin à ce premier déjeuner. A ce déjeuner initiatique. Je l’écoutais, vraiment : elle aimait visiblement beaucoup me parler. Ce fut immédiat. Je compris qu’elle craignait les moments de silence, même fugaces. Avec le temps, les années même, je lui apprendrais à moins les redouter. Et je les provoquerai, pour installer des regards, des effleurements de nos peaux, entendre sa respiration et moi la sienne et elle la mienne et installer parfois même des sourires gênés. Déjà, Francesca se noyait dans mon regard et dans ce désir que je n’identifiais pas bien. Elle était en terrain cependant inconnu. Car je ne la draguais pas ouvertement, mais j’installais du sentiment, de l’autorité, du mystère, de l'humour. Oui, elle avait beaucoup ri au cours de ce repas et son visage, si beau mais si dur parfois s’était ouvert.
Le déjeuner terminé, nous prîmes un café, puis deux en terrasse. Francesca fumait beaucoup, moi pas. Ça me plaisait, qu’elle fume. Ça lui donnait un côté années 50. J’ignore pour
quoi, mais elle me donnait l’impression d’être à peine libérée des interdits qui avaient bloqué et freiné les femmes depuis toujours. Elle me faisait vraiment penser à une Américaine, à une New-yorkaise des fifties qui s’affranchissait. Cette image m’avait traversé comme un éclair.
Les heures avaient passé sans que nous nous en apercevions. Plus de 3. Était-ce cela, un coup de foudre ? Être emporté dans un espace-temps inconnu, différent, sans sensations reconnaissables ? J’étais troublée, excessivement troublée, extrêmement troublée par cette femme qui, malgré tout, m’agaçait déjà.
Nous étions en train de tomber amoureuses l’une de l’autre. Moi, je le savais, l’acceptais. Francesca, moins."
Je lui tendis la main, comme à l'habitude. Mais Francesca me saisit de sa main gauche et m'attira très naturellement à elle pour m'embrasser. Un geste de vraie timide qui ose. Ça peut paraître idiot, à dire ça, mais quand sa peau entra en contact avec la mienne, je ressentis vraiment un choc électrique.
J'ignore à propos de ce premier moment si Francesca ressentit la même chose. J'avoue n'avoir jamais pensé à le lui demander.
Le déjeuner fut joyeux, débordant de confidences, d'histoires, d'anecdotes. Nous commandâmes, en nous rendant compte que nous aimions les mêmes choses. Nous prîmes un peu de vin. Francesca commença à parler. De ses problèmes de couple, dont elle ne semblait pas savoir comment se sortir. En avait-elle envie ? Pas sûr.
D'abord, j'avais eu du mal à placer un mot, trop nerveuse. Et puis, j’avais envie de l’écouter. Mon expérience des hommes me faisait tenir une attitude presque passive. La règle du jeu, avec eux, c’était de les faire parler, leur poser des questions, montrer un véritable intérêt pour leurs histoires.
Je m’apercevais avec Francesca que les femmes n’étaient pas vraiment différentes des hommes. En tous les cas, celle-là. Quelques gorgées de vin m'aidèrent, et je profitais de les sentir couler dans ma gorge pour me détendre. Je ne voulais pas que Francesca s'aperçoive de ma nervosité. Ça aurait été ridicule.
Mais elle aussi était nerveuse. Sa main trembla une première fois quand elle nous versa de l'eau.
— Pardon, je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui, finit-elle par m'avouer en me regardant fixement. Ce n'est pas mon genre
d'avoir la main qui tremble, je vous assure !
Je ris. Elle rit. Elle avait reconnu à demi-mot que ce rendez- vous prenait une tournure étonnante. Je ne le savais pas encore, mais Francesca était le genre de personne à reconnaître à demi-mots. Non pas par hypocrisie, ou par souci d'épargner les autres. C'était pour elle une forme de protection. Ne pas trop se laisser envahir par ses émotions et celles des autres. Ne pas se laisser envahir du tout. Contrôler. Pour éviter le danger.
La discussion s'engagea. J'étais curieuse d'elle, elle l'était de moi. Même si je devais bien reconnaître qu'elle était très centrée sur elle-même. Était-ce de ma faute, à force de lui poser des questions, de la relancer, de vouloir savoir beaucoup très vite ?
Et de me livrer assez peu ?
Ce premier déjeuner répondait pour elle à un besoin qu’elle analysa sérieusement par la suite. C’est ainsi que se passent les rencontres. Les coups de foudre. Bien sûr, ces moments rares traduisent une attirance sexuelle pas toujours consciente. Ils répondent à un besoin. Ils remplissent un vide. Ils alimentent un fantasme. Mais l’accroche se fait sur cette énigme.
Francesca tournait en boucle dans sa vie, tant personnelle que professionnelle. Tout était connu, codé, limité. Je l'avais senti dès notre première conversation téléphonique. Elle ne savait pas ce qu’elle voulait faire, et remplissait d’heures et d’heures de travail son temps. Entourée de tonnes de gens qui eux aussi faisaient semblant d’aller bien, d’autres qui ne cachaient pas leur mal-être, Francesca ne savait pas que l’on pouvait consacrer toute une existence à travailler le désir, à le questionner, le façonner, à se laisser envahir par de fortes émotions. Chez elle, hormis des rencontres parfois brutales avec des hommes, tout le reste était sous contrôle. Mais elle sentait, car elle était finalement très intelligente et intuitive, que quelque chose clochait dans son chemin. Que quelque chose manquait. Fataliste, parfois même déterministe, elle pensait un peu paresseusement que ça n’était pas si grave. Le vernis avait certes déjà craqué, mais elle pensait que son rafistolage était bien suffisant pour tenir le choc sur la durée.
Elle me le raconta des mois plus tard, mais sa rencontre avec moi avait provoqué une forme de basculement. Tout en douceur vu de l’extérieur, mais une véritable révolution intime. Je lui parlais de ma façon de vivre, de voir les choses, les gens, de choisir.
Alors, nous parlâmes. Pourquoi elle était devenue médecin et moi conseil en communication ; puis pourquoi je voulais évoluer vers autre chose. Notre jeunesse ; notre enfance ; nos amours, mais pas toutes me concernant, pas question de choquer, déjà et si vite, cette bourgeoise. ; notre appréhension du couple et de la vie à deux ; l’enfant, la mienne, et l’absence de lignée chez elle, un sujet vite évacué ; nos voyages, nos goûts musicaux, culinaires. Nos caractères, ce qui nous faisait rire, ce qui nous attristait. Nos années de fac, nos vieux gringues, nos bringues, les miennes actuelles, les siennes anciennes ; ce que nous avions fumé étant jeunes. Bu aussi. Notre été passé, quelques blessures, quelques souffrances physiques qui en disaient tant sur notre psychologie respective. Nos opinions politiques, notre premier vote, notre dernier vote, le vote prochain. Le sport, que moi j’avais pratiqué avec assiduité et pratiquais toujours mais moins régulièrement tandis qu'elle, se contentait d'un coach sportif à la maison, pratique dont elle avait un peu honte...
Nous avions beaucoup ri, c’était tendre, pour laisser à bonne distance la tension charnelle qui était née entre nous. Nous nous étions regardées abondamment, presque contemplées. Sans essayer d'impressionner l'autre, nous avions instinctivement confié déjà des éléments intimes de notre personnalité. Nous avions laissé peu de place aux silences. Pressées, très pressées. Comme si une avidité nous avait prises par surprise.
Nous étions incroyablement différentes, sur notre passé, nos aspirations, notre façon de voir la vie et de la vivre. Et pourtant, nous nous accordions comme par miracle.
Il nous avait fallu parler et parler encore. Nous n’arrivions pas à mettre fin à ce premier déjeuner. A ce déjeuner initiatique. Je l’écoutais, vraiment : elle aimait visiblement beaucoup me parler. Ce fut immédiat. Je compris qu’elle craignait les moments de silence, même fugaces. Avec le temps, les années même, je lui apprendrais à moins les redouter. Et je les provoquerai, pour installer des regards, des effleurements de nos peaux, entendre sa respiration et moi la sienne et elle la mienne et installer parfois même des sourires gênés. Déjà, Francesca se noyait dans mon regard et dans ce désir que je n’identifiais pas bien. Elle était en terrain cependant inconnu. Car je ne la draguais pas ouvertement, mais j’installais du sentiment, de l’autorité, du mystère, de l'humour. Oui, elle avait beaucoup ri au cours de ce repas et son visage, si beau mais si dur parfois s’était ouvert.
Le déjeuner terminé, nous prîmes un café, puis deux en terrasse. Francesca fumait beaucoup, moi pas. Ça me plaisait, qu’elle fume. Ça lui donnait un côté années 50. J’ignore pour
quoi, mais elle me donnait l’impression d’être à peine libérée des interdits qui avaient bloqué et freiné les femmes depuis toujours. Elle me faisait vraiment penser à une Américaine, à une New-yorkaise des fifties qui s’affranchissait. Cette image m’avait traversé comme un éclair.
Les heures avaient passé sans que nous nous en apercevions. Plus de 3. Était-ce cela, un coup de foudre ? Être emporté dans un espace-temps inconnu, différent, sans sensations reconnaissables ? J’étais troublée, excessivement troublée, extrêmement troublée par cette femme qui, malgré tout, m’agaçait déjà.
Nous étions en train de tomber amoureuses l’une de l’autre. Moi, je le savais, l’acceptais. Francesca, moins."
"Francesca me
proposait toujours de se voir quand j'étais en voyage. Ce petit jeu agaçant
dura des semaines.
Je finis par comprendre que Francesca mourait d'envie de passer du temps avec moi, mais elle était aussi terrorisée de la tournure que pourrait prendre cette histoire. Depuis le baiser, elle me le raconta sur le tard, elle y pensait, et s'interdisait tout désir de cette nature-là. Elle s'était donc évertuée à rentrer dans le rang, à jouer au couple parfait, du moins pour l'extérieur, avec son mari qui n'y comprenait pas grand chose.
Ce scientifique, beau parleur, égoïste, individualiste, radin, avait tout fait pour reconquérir sa femme. Il avait surtout compris que Francesca était à la fois éprise de conventions. Mais aussi de moi. Et ça, cette caricature d'Italien ne pouvait le supporter. Qu'elle le trompe avec qui elle voulait, avec n'importe quel blaireau, comme il disait, il s'en fichait presque. Enfin, non, il ne s'en fichait pas, mais comme il l'a trompait lui aussi, dans son esprit, cela faisait partie de l'ordre naturel des choses. Des couples. Dans les couples, on se trompe, c'est comme ça. Ça ne veut pas dire qu'on n'aime plus. Il m'avait un jour expliqué ça. Je l'avais laissé parler alors, pourquoi perdre du temps à discuter avec un tel crétin ? Je ne voulais pas lui donner de prise. Ça l'énervait encore plus.
On se trompe, on couche un peu à droite à gauche, histoire de s'émoustiller. Et on rentre à la maison, après une douche au savon bon marché, on fait semblant d'aller bien. On donne cette image autour de soi et les copains trouvent ça super. Puisqu'eux aussi font semblant. C'est quand même ce que je lui avais dit en conclusion de notre discussion.
Ça l'avait vexé.
Mais ce type n'était pas totalement idiot et il avait cependant senti que je pouvais être une menace pour l'équilibre, même précaire, de son couple. Bien sûr, ils s'étaient déjà séparés plusieurs fois, pour se remettre ensemble, sur des promesses de vie commune qu'ils ne tiendraient ni l'un ni l'autre. Ça lui allait très bien, car il aimait, non pas la conquête, mais la reconquête de sa femme. Une fois acquise, il s'en désintéressait. Mais il savait que cette fois-ci, les choses étaient différentes. Car j'étais entrée dans la vie de sa femme et Francesca avait changé.
Il nous avait déjà épiées, quand nous étions toutes les deux. Francesca riait de mes bêtises lors de nos dîners communs. Elle me dévorait des yeux. Je lui parlais à voix basse ; quand on voulait que quelqu'un vous écoute attentivement, il fallait parler tout bas. Elle se raidissait quand lui, son mari, l'étreignait devant moi. Francesca demandait mon avis. Francesca me citait. Francesca était jalouse quand je lui parlais d'autres amies à moi. Et lui le percevait. Et essayait de jouer de ça :
— Mais comment, Ilaria, tu as d'autres copines que ma femme ?
— Mais oui, j'en ai des blondes, une rouquine aussi. Et même des brunes ! Mais Francesca est ma brune préférée. Et elle le sait.
Francesca rougissait alors, et il le voyait. A l'intérieur de lui, ça le rendait fou de rage. Il en tremblait presque et devenait alors maladroit, sous mon regard scrutateur. Je me moquais de lui quand il renversait sa tasse de café ou se tâchait. Il savait que je m'amusais de lui et il ne le supportait pas. Mais comment sa femme pouvait-elle s'être entichée de cette nana, cette espèce de pseudo artiste dont on ne savait jamais vraiment ce qu'elle pense. Voilà à peu près ce qu'il devait se dire.
Et le pire, pour lui je crois, c'était Davide, qui faisait allusion sur allusion, devant lui, sur notre amitié à Francesca et à moi. Davide aussi jouait de lui, quand il disait à Francesca :
— Mais enfin, tu sais bien qu'il est écrit que tu partiras en week-end avec Ilaria.
Et Francesca lui répondait, rougissant encore davantage :
— Oui, je le sais, mais je sais aussi ce qu'il risque d'arriver, et je ne suis pas prête à ça.
Et Davide insistait, encouragé par mon regard rieur :
— C'est reculer pour mieux sauter, si tu m'autorises l'expression
.Et lui, ça l'énervait et posait la question bête :
— Mais qu'est-ce qui risque d'arriver enfin, si vous partez ensemble ?
Et la réponse de Francesca, cruelle, tombait :
— Laisse tomber, tu peux pas comprendre. C'est un joke entre Ilaria et moi.
Il quittait alors la table et partait regarder la télé. Francesca soupirait, contente d'avoir gagné quelques minutes de paix avec moi. Sans lui. Pour toutes ces raisons, Davide m'avait enjointe de ne plus accepter de dîner tous ensemble."
Je finis par comprendre que Francesca mourait d'envie de passer du temps avec moi, mais elle était aussi terrorisée de la tournure que pourrait prendre cette histoire. Depuis le baiser, elle me le raconta sur le tard, elle y pensait, et s'interdisait tout désir de cette nature-là. Elle s'était donc évertuée à rentrer dans le rang, à jouer au couple parfait, du moins pour l'extérieur, avec son mari qui n'y comprenait pas grand chose.
Ce scientifique, beau parleur, égoïste, individualiste, radin, avait tout fait pour reconquérir sa femme. Il avait surtout compris que Francesca était à la fois éprise de conventions. Mais aussi de moi. Et ça, cette caricature d'Italien ne pouvait le supporter. Qu'elle le trompe avec qui elle voulait, avec n'importe quel blaireau, comme il disait, il s'en fichait presque. Enfin, non, il ne s'en fichait pas, mais comme il l'a trompait lui aussi, dans son esprit, cela faisait partie de l'ordre naturel des choses. Des couples. Dans les couples, on se trompe, c'est comme ça. Ça ne veut pas dire qu'on n'aime plus. Il m'avait un jour expliqué ça. Je l'avais laissé parler alors, pourquoi perdre du temps à discuter avec un tel crétin ? Je ne voulais pas lui donner de prise. Ça l'énervait encore plus.
On se trompe, on couche un peu à droite à gauche, histoire de s'émoustiller. Et on rentre à la maison, après une douche au savon bon marché, on fait semblant d'aller bien. On donne cette image autour de soi et les copains trouvent ça super. Puisqu'eux aussi font semblant. C'est quand même ce que je lui avais dit en conclusion de notre discussion.
Ça l'avait vexé.
Mais ce type n'était pas totalement idiot et il avait cependant senti que je pouvais être une menace pour l'équilibre, même précaire, de son couple. Bien sûr, ils s'étaient déjà séparés plusieurs fois, pour se remettre ensemble, sur des promesses de vie commune qu'ils ne tiendraient ni l'un ni l'autre. Ça lui allait très bien, car il aimait, non pas la conquête, mais la reconquête de sa femme. Une fois acquise, il s'en désintéressait. Mais il savait que cette fois-ci, les choses étaient différentes. Car j'étais entrée dans la vie de sa femme et Francesca avait changé.
Il nous avait déjà épiées, quand nous étions toutes les deux. Francesca riait de mes bêtises lors de nos dîners communs. Elle me dévorait des yeux. Je lui parlais à voix basse ; quand on voulait que quelqu'un vous écoute attentivement, il fallait parler tout bas. Elle se raidissait quand lui, son mari, l'étreignait devant moi. Francesca demandait mon avis. Francesca me citait. Francesca était jalouse quand je lui parlais d'autres amies à moi. Et lui le percevait. Et essayait de jouer de ça :
— Mais comment, Ilaria, tu as d'autres copines que ma femme ?
— Mais oui, j'en ai des blondes, une rouquine aussi. Et même des brunes ! Mais Francesca est ma brune préférée. Et elle le sait.
Francesca rougissait alors, et il le voyait. A l'intérieur de lui, ça le rendait fou de rage. Il en tremblait presque et devenait alors maladroit, sous mon regard scrutateur. Je me moquais de lui quand il renversait sa tasse de café ou se tâchait. Il savait que je m'amusais de lui et il ne le supportait pas. Mais comment sa femme pouvait-elle s'être entichée de cette nana, cette espèce de pseudo artiste dont on ne savait jamais vraiment ce qu'elle pense. Voilà à peu près ce qu'il devait se dire.
Et le pire, pour lui je crois, c'était Davide, qui faisait allusion sur allusion, devant lui, sur notre amitié à Francesca et à moi. Davide aussi jouait de lui, quand il disait à Francesca :
— Mais enfin, tu sais bien qu'il est écrit que tu partiras en week-end avec Ilaria.
Et Francesca lui répondait, rougissant encore davantage :
— Oui, je le sais, mais je sais aussi ce qu'il risque d'arriver, et je ne suis pas prête à ça.
Et Davide insistait, encouragé par mon regard rieur :
— C'est reculer pour mieux sauter, si tu m'autorises l'expression
.Et lui, ça l'énervait et posait la question bête :
— Mais qu'est-ce qui risque d'arriver enfin, si vous partez ensemble ?
Et la réponse de Francesca, cruelle, tombait :
— Laisse tomber, tu peux pas comprendre. C'est un joke entre Ilaria et moi.
Il quittait alors la table et partait regarder la télé. Francesca soupirait, contente d'avoir gagné quelques minutes de paix avec moi. Sans lui. Pour toutes ces raisons, Davide m'avait enjointe de ne plus accepter de dîner tous ensemble."
A suivre.
Si,
comme moi, vous aimez cet extrait, le livre se trouve ici :
https://www.amazon.fr/Une-illusion-parfaite-Christine-Fran%C3%A7ois-Kirsch/dp/1549860437/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1511034279&sr=1-1&keywords=une+parfaite+illusion
Et, l'auteure se trouve ici :
C'est bien écrit. Fluide. Et la sensualité apparait par petites touches (du moins dans cet extrait). J'aime bien, mais je ne sais pas si je pourrai lire tout un livre écrit comme ça ...
RépondreSupprimerMoi qui l'ait lu, je peux te dire que c'est de mieux en mieux, je ne pouvais plus le lâcher.
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